Prévention des risques lors de la collecte des sargasses
Publié le 28 août 2018 | Dernière mise à jour le 9 novembre 2018
Les échouages massifs de sargasses, inconnus jusqu’alors, ont commencé à se produire en Guadeloupe, à partir de 2011. Ils ont été très importants en 2014-2015 et ont repris en mars 2017 après plus d’un an d’accalmie.
Les phénomènes à l’origine de la prolifération des algues dans la « petite mer des sargasses » au large du Brésil sont encore mal connus. Les recherches sont entreprises pour mieux cerner ces phénomènes et en déterminer les causes. il est très probable qu’il faudra subir, à intervalles plus ou moins réguliers, des échouages de sargasses en quantités plus ou moins importantes.
Ces dépôts d’algues sur nos côtes générant des nuisances importantes tant pour les riverains que pour les activités économiques, liées au tourisme ou à la pêche, notamment, leur collecte est une nécessité.
En effet, ces algues dénaturent les plages, perturbent les accès aux ports et génèrent, de par leur décomposition chimique, des émanations d’hydrogène sulfuré (H2S), notamment, qui en plus d’être nauséabond peut s’avérer dangereux pour la santé, au-delà de certaines concentrations.
On relève également la présence d’ammoniac (NH3).
Collecte des sargasses
Cette collecte incombe, aux collectivités locales (communes, collectivités de communes, voire département ou région).
Elle s’effectue sur la plage ou dans l’eau, mais dans la bordure immédiate de la plage. Elle peut aussi s’effectuer sur les parties côtières rocheuses qui sont accessibles. Il est à noter cependant que le ramassage ne doit pas être systématique : en effet, des échouages de quelques centimètres, voire quelques dizaines de centimètre de largeur, sont bénéfiques pour lutter contre l’érosion et participent à l’écosystème côtier. Le ramassage ne doit pas non plus concerner d’autres algues que les sargasses. Dans un certain nombre de configurations, des moyens mécaniques sont mobilisés : tracteurs équipés de fourches, pelles mécaniques,…Ces moyens mécaniques doivent être adaptés et conduits de manière à réduire les prélèvements de sable ainsi que le tassement du haut de plage, qui peut avoir des impacts néfastes sur les sites de ponte de tortues.
Mais dans certains cas, il faut avoir recours au ramassage manuel de ces algues, soit en complément des moyens mécaniques qui ne peuvent pas traiter la totalité du secteur considéré, soit en tant que seul moyen possible pour procéder à cette collecte, compte tenu de la configuration des lieux.
Lors de ces opérations de ramassage manuel, les opérateurs qu’ils soient agents territoriaux ou salariés d’entreprises privées, sont exposés aux émanations de gaz toxique.
Il incombe aux collectivités de mettre en œuvre les moyens de protection adaptés décrits ci-après, pour leurs agents et de transmettre ce document aux entreprises prestataires.
Prévention des risques
Plusieurs notes, avis ou rapports ont été publiés sur la problématique des échouages d’algues, vertes ou brunes (sargasses), tels que :
• Avis de l’ANSES du 10/03/17saisine 2015-SA-0225 et son avis du Comité d’Experts Spécialisé « conclusion et recommandation de CES (page 9 et notamment le sous-paragraphe C « Equipement de protection individuelle »),
• Quatre notes de la Direction Générale du Travail des 01/07/2010, 14/09/2011, 02/02/2016 et 15/05/2017, relatives à la protection des travailleurs ; Deux avis du Haut Conseil de la Santé Publique des 22 mars 2012 et 2 juillet 2015 relatifs à la gestion du risque sanitaire lié aux émissions toxiques provenant d’algues brunes échouées sur les côtes de la Martinique et de la Guadeloupe,
• Rapport de juillet 2016 établi à la demande de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et de la ministre des outre-mer.
Ce rapport élaboré par Tristan Florenne, inspecteur général de l’administration, François Guerber, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts et François Colas-Belcour, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, avait pour but de « formuler des recommandations opérationnelles afin d’organiser la filière de ramassage, stockage, traitement et de la valorisation des algues sargasses dans une perspective de gestion sur le long terme ».
Ce rapport de juillet 2016 résume les préconisations pour le ramassage des Sargasses
Tous ces documents font référence à l’expérience acquise avec les échouages d’algues vertes sur les côtes bretonnes qui se produisent régulièrement depuis de très nombreuses années.
Cette problématique fait l’objet d’un guide et de fiches élaborés par la DIRECCTE de Bretagne.
Les recommandations à l’égard des professionnels confrontés aux sargasses
Dans son avis du 17 février 2016, confirmé par celui du 10/03/17, l’ANSES rappelle que les mesures de protection et de prévention applicables aux travailleurs au contact des algues vertes sont applicables à ceux qui sont au contact des algues sargasses.
L’H2S est un gaz incolore, plus lourd que l’air, d’odeur fétide, caractéristique d’œuf pourri. Il est à la fois hautement toxique et extrêmement inflammable. Il est absorbé par voie respiratoire et très peu par voie cutanée. L’exposition aiguë est responsable de troubles variables selon le niveau d’exposition. Entre 50 et 200 ppm on observe des signes oculaires et respiratoires graves mais réversibles (si pris en charge rapidement). Chez certaines personnes les signes cliniques apparaissent dès 1 ppm.
Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) contraignantes pour le H2S sont les suivantes :
– 5 ppm en moyenne sur 8h
– 10 ppm sur 15 minutes
La décomposition des algues peut générer la présence d’ammoniaque (NH3). Il s’agit également d’un gaz toxique, mais il est présent en moindre quantité que l’H2S. Toute la démarche de prévention décrite ci-après, est basée exclusivement sur la présence d’H2S, mais toutes les mesures préconisées contribuent à protéger les travailleurs contre la présence de gaz quels qu’ils soient. Cette démarche est en cohérence avec les préconisations de l’ANSES.
Organisation des opérations
1. Réaliser une évaluation du risque (Articles R 4412-5 à 10 du Code du Travail) :
Une reconnaissance sera menée avant l’ouverture de chaque chantier par un responsable. Elle permettra de qualifier le chantier afin de prendre les mesures de protection nécessaire aux intervenants :
– un constat visuel des échouages (ancienneté, épaisseur, couleur…) et une évaluation de la force et du sens du vent,
– de prendre des mesures instantanées en amont du chantier (mesures de H2S).
A partir des constats réalisés, un mode opératoire sera déterminé, en se basant, le cas échéant, sur des modes opératoires « type » élaborés en amont, en fonction des différentes situations déjà rencontrées ou prévisibles.
Attention : cette reconnaissance doit s’effectuer dans des conditions de protection maximale (combinaison, masque à cartouche voire cagoule ventilée), afin de se prémunir contre d’éventuelles poches de gaz à la rentrée dans la zone en putréfaction.
2. Privilégier le ramassage des algues encore fraîches c’est-à-dire dans les 24 heures suivant leur échouage et privilégier le recours à des moyens mécaniques de ramassage
3. Organiser le travail pour (Article R 4412-11 du code du travail) :
– ne jamais laisser un personnel isolé,
– être en mesure de guider et faciliter l’accès des secours (SDIS ou SAMU), qu’il faut pouvoir joindre immédiatement,
– si possible progresser sur le chantier avec le vent dans le dos.
– Interdire l’accès du chantier au public, en particulier autour des engins (manœuvres et émissions de H2S et/ou NH3) par une signalétique adaptée (Rubalises …).
– ne pas procéder au ramassage manuel dans les 15 minutes qui suivent le départ d’un engin de chantier sur les lieux où des tas de sargasses ont été remuées.
– prévoir une zone de repos, à l’écart, à l’ombre et avec de l’eau potable disponible.
4. Informer les encadrants et les opérateurs sur les risques et conduites à tenir et notamment (Article R 4412-38 du code du travail) :
– que l’odeur d’œuf pourri est synonyme d’H2S mais que le fait de ne pas le sentir n’est pas un gage de sécurité (anesthésie de l’odorat à forte concentration),
– que le travail effectué à moins de 5 ppm minimise les risques d’intoxications mais que le risque de rencontrer une poche d’H2S impose une grande vigilance et une connaissance des conduites à tenir,
– qu’il est strictement interdit de fumer,
– qu’il ne faut jamais travailler sans surveillance,
– que tout signe irritatif quel qu’il soit doit entraîner immédiatement la mise en place du masque et la sortie de la zone (identification d’un chemin de fuite).
5. Formation des encadrants et des opérateurs (Article R 4412-38 du code du travail) :
Ils doivent être formés au port des appareils de protection respiratoire et à leur entretien : nettoyage et changement des cartouches.
6. Protection des travailleurs (Articles R 4412-27 à 30 du code du travail) :
Les principales préconisations sont les suivantes :
· Chaque travailleur (ramasseur à pied ou conducteur d’engins) doit être équipé d’un détecteur portatif d’H2S, situé près des voies respiratoires (dont l’ANSES précise les caractéristiques techniques).
. Le port de détecteur concerne aussi les chantiers à proximité de dépôts en cours de fermentation même si ceux-ci ne sont pas manipulés.
· Chaque travailleur doit porter des équipements de protection individuelle dont une combinaison, des bottes, des gants et des demi-masques filtrant anti-gaz.
Ces masques doivent être portés à la ceinture et mis en protection des voies respiratoires, dès que le détecteur signale une concentration supérieure à 5 ppm.
Les conducteurs d’engins doivent aussi être équipés d’un demi-masque filtrant anti-gaz.
· Si la concentration reste égale ou supérieure à 5 ppm pendant 15 minutes, le chantier doit être évacué.
. Si la concentration atteint 10 ppm, le chantier doit être évacué immédiatement.
. S’il s’avérait nécessaire de continuer les opérations malgré de dépassement des 10 ppm, les travailleurs devraient porter une cagoule à ventilation assistée de catégorie minimale TH2 conçue selon la norme NF EN 12941 équipée de filtres de type TH2 A2B2E2K1.
. Après un arrêt du chantier pour cause de dépassement de la VLEP, il est évidemment indispensable de contrôler la teneur en H2S, avant toute reprise du travail, et ce dans des conditions de protection maximale (combinaison, masque à cartouche voire cagoule ventilée) afin de se prémunir contre d’éventuelles poches de gaz à la rentrée dans la zone en putréfaction.
· Les cabines de conduite des engins de ramassage mécanique doivent être isolantes. Si ce n’est pas le cas, le conducteur doit porter le masque anti-gaz en permanence.
. Les cartouches doivent être changées après le deuxième jour d’utilisation si elles sont utilisées par intermittence et tous les jours si elles sont utilisées de manière intensive dans une journée. Il n’y a pas d’indicateur de saturation des cartouches.
7. Traçabilité des expositions (Article D 4163-4 du code du travail) :
L’exposition à l’H2S des travailleurs, en fonction des tâches effectuées, doit être tracée. Les fonctions d’enregistrement des données des détecteurs d’H2S permettront de réaliser le suivi des expositions individuelles. Par ailleurs, un journal des incidents doit être tenu pour chaque travailleur.
Cette traçabilité pourrait être assurée dans le dossier médical des travailleurs concernés, quel que soit leur statut.
Ces préconisations rejoignent totalement celles formulées par la DIECCTE de Guadeloupe en 2015.
Elles doivent donc être mises en œuvre sur les chantiers de ramassage des sargasses en Guadeloupe.
A noter que les équipements de protection individuelle ont partiellement été fournis par les services de l’État et l’ADEME en 2015.
Il convient de rajouter quelques précisions concernant les détecteurs portatifs d’hydrogène sulfuré (H2S) et les demi-masques filtrants anti-gaz.
Les détecteurs portatifs d’H2S :
Ils doivent avoir les caractéristiques suivantes,conformément aux préconisations de l’ANSES :
- Affichage permanent du niveau d’ H2S présent dans l’atmosphère.
- Présence de deux seuils d’alarme avec des indications sonore et visuelle :
- Alarme 1 : 5 ppm ou 7 mg/m3
- Alarme 2 : 10 ppm ou 14 mg/m3
- Mémoire à capacité suffisante pour enregistrer :
- Le journal des anomalies / évènements avec la date et l’heure correspondante
- Les données d’expositions des opérateurs, réglées sur une fréquence de l’ordre de 30 secondes
- Sur une période de 15 jours au minimum
- Possibilité de connecter l’appareil à un ordinateur pour récupérer et traiter les données enregistrées.
Pour être efficaces, les détecteurs doivent être vérifiés très régulièrement, au moins une fois par semaine, selon les préconisations du fabricant et systématiquement après chaque détection d’une concentration d’H2S supérieure à trois fois la valeur moyenne d’exposition (VME), soit 21 mg/m3. Les conditions de réalisation de ces vérifications doivent prendre en compte les risques d’interférence avec d’autres agents chimiques, tel que l’ammoniac et le diméthylsulfure.
Demi-masques filtrants anti-gaz
Ils doivent être conformes à la norme NF EN 140 et munis de filtres anti-gaz A2B2E2K1.
- detecteur de gaz
- masque a gaz
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Documents à télécharger :
-
Note DGT 1er juillet 2010 (PDF / 591.5 kio)
-
Note DGT 14 septembre 2011 (PDF / 441.4 kio)
-
Note DGT 2 février 2016 (PDF / 4.9 Mio)
-
Note DGT 15 mai 2017 (PDF / 2.2 Mio)
-
les echouages massifs de sargassses (PDF / 299.9 kio)